Au Collège des Bourgmestre et Echevins 

Beauvechain,   5 juin 2017

Concerne : projet de contournement routier de Jodoigne

Monsieur le Bourgmestre,
Mesdames et Messieurs les Echevins,

Action Environnement Beauvechain souhaite d’abord rappeler sa philosophie générale en matière de contournements routiers, telle que nous l’exprimons depuis 20 ans.

Ainsi, nous écrivions en 2002: « En ce qui concerne le déblocage des points noirs existants (agglomérations congestionnées), au lieu d’envisager directement la construction d’un contournement, l’on étudiera d’abord la faisabilité de solutions moins dévoreuses de l’espace et moins coûteuses, à savoir: des plans de circulation intégrés au tissu villageois ou urbain, et un meilleur réglage des feux de signalisation. Si des contournements s’avéraient malgré tout nécessaires, il faudrait, comme pour l’implantation de ZAE, veiller à une intégration paysagère optimale (marier, dans la mesure du possible, le tracé au relief, choisir un tracé le moins éloigné possible des agglomérations afin de prévenir la fragmentation de l’espace,…). »

1) Sur l’évaluation des incidences :

Le projet soumis à la présente enquête n’est en réalité que le premier tronçon d’un projet global de contournement de la ville de Jodoigne et notre association regrette ce « saucissonnage », pratique par ailleurs condamnée par la jurisprudence du Conseil d’Etat.

Notre association avait d’ailleurs pris position dès 2002 sur le projet de contournement routier dans son ensemble et formulé des pistes alternatives (voir http://www.mecatronics.be/aeb/etudes/zae/zae_pietrain_propositions.html et en annexe).

Il nous semble incompréhensible qu’un projet de contournement d’une telle ampleur avec un tel impact sur le paysage, l’environnement et la biodiversité ne fasse pas l’objet d’une véritable étude d’incidence ! Notre association demande par conséquent la réalisation d’une étude d’incidences sur l’environnement de l’ensemble du projet de contournement et que soient étudiées les pistes alternatives qu’elle avait proposées en 2002. Il y est dit par exemple : « Etant donné que le contournement proposé par AEB drainerait la plus grande partie du trafic de passage sur la RN 29 et/ou le trafic destiné à la ZAE de « Jodoigne Nord-Est » (l’on pourrait même songer à un itinéraire obligatoire pour ce trafic lourd de passage), le trafic sur la RN 29 devrait diminuer au centre de Jodoigne. Cette solution pourrait rendre non-pertinente la nécessité de prolonger la couronne de contournement en direction de Grez-Doiceau (voir la carte  en annexe). »
En résumé, le tronçon étudié par ce projet-ci n’est justement pas le plus utile !

Même la notice d’incidence soumise à l’enquête publique est incomplète puisque, tout en constatant au point 4.4.3 l’importante valeur écologique de la zone située entre la N222 et la N 29, elle ne propose aucun tracé alternatif contrairement à ce que prévoit la législation! [1]

2) Impact sur les habitats naturels :

Le tracé envisagé traverse un site repris à l’inventaire des Sites de Grand Intérêt Biologique (SGIB), il s’agit du «Marais du Faubourg Saint-Médard » (SGIB 2907).

Nous sommes d’accord avec le point 4 .4 .3 de la Notice : «  le tronçon situé entre laN222 et la N29 regroupe de nombreux milieux humides intéressants. C’est en particulier les zones ouvertes humides et les cordons boisés alentours qui renferment des milieux particulièrement intéressants tant pour la faune (avifaune, batraciens, insectes) que pour la flore. La valeur écologique de cette zone est d’autant plus importante que ce type de milieu est rare au sein de la commune où l’exploitation agricole a limité fortement le développement de la biodiversité. En outre cette zone joue un rôle important dans le réseau écologique local en connectant les milieux humides en lien avec la Grande Gette et les différents sources et rus. »

Les habitats de grande valeur biologiques recensés sont notamment :

    • les Mégaphorbiaies hydrophiles d’ourlets planitiaires et des étages montagnards à alpin (code Natura 2000 : 6430)
    • les Plans d’eau eutrophes naturels avec végétation du Magnopotamion ou Hydrocharition (code Natura 2000 : 3150)
    • les Rivières des étages planitaire à montagnard avec végétation du Ranunculion fluitantis et du Callitricho-Batrachion
      (code Natura 2000 : 3260).

La construction de cette infrastructure routière engendrera dès lors la destruction directe d’habitats d’intérêt communautaire repris à l’annexe 1 de la Directive habitats (92/43/CEE)

3) Impact sur les espèces

Selon les données disponibles sur le portail d’encodage en ligne « observations.be »: 26 espèces d’oiseaux nicheurs reprises à l’annexe 1 de la Loi sur la Conservation de la Nature (LCN), au moins 6 espèces de chauves-souris reprises à l’annexe IIa de la LCN, le Triton ponctué repris à l’annexe IIb et 2 espèces d’insectes également repris à l’annexe IIb (la Coccinelle des bruyères et l’Eucère longues-antennes) ont été recensées au droit du tracé envisagé. Toutes ces espèces, intégralement protégées et pour certaines menacées en Wallonie, sont susceptibles d’être impactées par la mise en œuvre de ce projet que ce soit par mortalité directe, destruction et fragmentation de leur habitat, perturbation sonore, pollution lumineuse, ou pollution de la zone humide lors des épandages ou des accidents.

Parmi les espèces d’oiseaux, citons, notamment :

    • le Martin-pêcheur d’Europe (Espèce d’intérêt communautaire)
    • la Bondrée apivore (Espèce d’intérêt communautaire)
    • le Pic noir (Espèce d’intérêt communautaire)

Ces trois espèces sont reprises à l’annexe I et XI de la loi du 12 juillet 1973 sur la conservation de la nature, à l’annexe I de la directive 2009/147/CE, et à l’annexe II de la Convention de Berne.

Or, la notice est totalement lacunaire quant à l’impact sur la faune et les mesures préventives à prendre.

Action Environnement Beauvechain demande que l’EIE procède à un relevé complet des espèces présentes sur le tracé au cas où celui-ci ne serait pas abandonné, et analyse ensuite l’impact du contournement sur ces espèces. Toute autorisation doit dépendre d’une dérogation à la Loi sur la Conservation de la Nature. Or, celle-ci prévoit en son article 5 « …la dérogation ne peut être accordée qu’à condition qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante… »

Cette solution alternative existe comme AEB le démontre dans l’annexe. AEB préconise l’abandon de ce projet de tronçon-ci pour commencer le contournement à l’est de la RN29.

4) Impact sur le paysage

Comme le dit la Notice au point 4.3, le projet est visible depuis une grande partie du territoire. Nous déplorons l’impact paysager qu’aurait ce projet, s’il était retenu, sur le relief ondulé des champs entre la N240 et la N222.

En tout état de cause, le futur contournement là où il sera construit devra épouser le relief du sol, être pourvu de plantations pour préserver la vue paysagère à courte et longue distance et ne pas avoir d’éclairage.

5) Impact sur le régime des eaux

L’actuelle affectation de la zone verte au plan de secteur comprise entre la N222 et la N29 est pertinente en ce qu’elle vise à conserver un complexe bien préservé de milieux humides. De plus, cette zone verte s’implante en zone d’aléa d’inondation élevé et joue ainsi un rôle de bassin d’orage naturel. Dans un contexte largement urbanisé et agricole, comme c’est le cas dans la zone de projet, ce rôle important de maîtrise des crues, par stockage des précipitations et/ou des débordements de cours d’eau et infiltration est d’autant plus important. Toute modification du régime hydrique pourrait avoir des incidences non négligeables tant en terme d’inondations, qu’en termes de fragmentation des milieux humides ou de fragmentation de cet important corridor écologique.

Les cours d’eau qui devraient être perturbés par le projet verront leurs berges s’artificialiser. Ce qui est d’autant plus dommage qu’il s’agit de sections de cours d’eau de bonne qualité d’après les études du Contrat de rivières Dyle-Gette.

Le type de remblais imposé par le projet va à l’encontre de la législation sur l’eau et en particulier la Circulaire relative à la délivrance de permis dans les zones exposées à des inondations et à la lutte contre l’imperméabilisation des espaces (M.B. 04.03.2003)

« Dans les plaines alluviales et le lit majeur des rivières, les actes susceptibles d’aggraver les inondations, notamment les remblais, seront interdits. »

Un aspect problématique du présent projet consiste en l’important volume d’eaux de ruissellement qui va être engendré suite aux diverses imperméabilisations du sol. En effet, même si ces eaux seraient en partie stockées dans des bassins d’orage artificiels, un apport brutal sera quand même déversé dans les deux cours d’eau concernés en cas d’orage. Le centre-ville de Jodoigne est en particulier menacé par ce surplus d’eau. En effet, la Région wallonne a récemment construit et dimensionné une zone d’expansion de crue (ZEC) en amont du projet. Cette ZEC a notamment parfaitement rempli son rôle lors des épisodes pluvieux de l’été 2016, mais il n’en fallait pas plus car les niveaux d’eau tant dans la ZEC que dans le lit de la rivière étaient à leur maximum.

Les eaux de ruissellement en provenance de la nouvelle route vont inévitablement contenir des hydrocarbures et autres produits chimiques inhérents au trafic routier. En aucun cas ces eaux de ruissellement (via fossés ou bassin d’orage) ne devraient aboutir de quelques manières qu’il soit dans la zone humide située entre la N222 et la N29.

6) Impact sur la mobilité

Notre association comprend la nécessité d’un petit contournement de Jodoigne pour soulager le centre de cette jolie petite ville médiévale, et étant donné la présence de nombreuses écoles.

Nous craignons cependant que le contournement global tel que prévu au plan de secteur ne crée un appel d’air pour les transits E411 > E40. Ce qui pourrait induire une augmentation du trafic à l’inverse de l’objectif poursuivi. Cette augmentation aurait un impact à évaluer sur les autres sections des routes menant à Jodoigne, en particulier les nationales, déjà fortement chargées.

Nous ne voulons pas d’un nouvel axe brabançon qui serait constitué par les contournements de Jodoigne, Grez-Doiceau et Wavre !

Nous déplorons que d’autres mesures visant à soulager le centre de Jodoigne n’aient pas été évoquées : interdiction des poids lourds, feux intelligents au carrefour, amélioration des transports en commun, de la mobilité douce, des parkings extérieurs de délestage…

7) Impact sur le réchauffement climatique

Plus de routes appellent plus de voitures, ce qui ne contribue pas à lutter contre les émissions de gaz à effet de serre responsables du réchauffement climatiques. Chaque décision d’aménagement devrait en tenir compte !

En conclusion,

Tout en reconnaissant la nécessité de désengorger le centre-ville de Jodoigne, Action Environnement Beauvechain demande

    • que soit préservée l’intégrité du Marais du Faubourg Saint-Médard ainsi que celle du Marais du Pré Saint-Jean dans le cadre d’un prolongement.
    • que soit réalisée une véritable étude d’incidence sur l’environnement du projet de contournement dans son ensemble, avec examen approfondi des alternatives de tracés, en particulier celle du « petit » contournement proposé par AEB en annexe.

En vous remerciant de l’attention que vous porterez à la présente, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Bourgmestre, Mesdames et Messieurs les Echevins, l’expression de notre sincère considération.

 

 

ANNEXE : proposition alternative d’Action Environnement Beauvechain pour le contournement de Jodoigne.

Le tracé de contournement inscrit au Plan de secteur est de nature à créer, pour les automobilistes venant de Liège et se rendant à Bruxelles et sa grande banlieue, une alternative pour la E40 de plus en plus congestionnée, notamment à partir de Haasrode. En sus des problèmes de mobilité qu’il poserait pour les agglomérations situées le long de la RN 240 et « en aval » de Jodoigne (Cocrou, Grez-Doiceau,…), l’actuel projet de route ne répond pas aux problèmes de congestion sur l’axe principal traversant Jodoigne, à savoir la RN 29 Tirlemont – Charleroi (voir carte n° 1).

Le tracé routier proposé par AEB (dans le cadre de sa proposition d’une ZAE au Nord-Est de Jodoigne)présente les caractéristiques suivantes : 

    • Dans un souci d’utilisation parcimonieuse du sol(article 1er du CWATUP), il s’éloigne le moins possible du site urbain de Jodoigne.
    • Contrairement au tracé routier préconisé actuellement, il vise explicitement à agir sur les flux de trafic sur l’axe principal traversant Jodoigne, à savoir la RN 29 Tirlemont – Jodoigne – Charleroi
    • Contrairement au tracé routier actuellement proposé par l’IBW, lequel augmenterait le trafic sur les axes de moindre importance (la RN 240 Hannut – Jodoigne – Grez-Doiceau et la RN 222 Hélécine – Jodoigne – Incourt), le tracé proposé par AEB serait moins préjudiciable du point de vue du trafic dans la région
    • Bien évidemment, le tracé routier proposé par AEB visa à désenclaver la ZAE alternative de « Jodoigne Nord-Est », car offrant une bonne liaison avec la bretelle d’autoroute (E 40) à Hoegaerden, ce tracé drainerait la plus grande partie du trafic que générerait le zoning, sans trop augmenter la pression sur la rue de Piétrain/RN 222 (où il serait indiqué de limiter le poids autorisé des camions, tout en faisant une exception pour les convois agricoles)
    • En ce qui concerne l’endroit où le contournement pourrait rejoindre la RN 29 au nord de Jodoigne, nous avons opté pour le croisement de cette même RN 29 et le RaVEL, attenant au projet alternatif de ZAE préconisé par AEB. Il va de soi que cette option nécessiterait un aménagement routier approprié, intégrant la sécurité des usagers à mobilité lente (cyclistes, piétons). A cet égard, l’on pourrait peut-être penser à un rond-point.
      Notons également qu’un peu plus vers le nord, il existe quelques endroits plus dégagés pouvant servir, eux aussi, de point de jonction du contournement proposé par AEB et de la RN 29. Quoi qu’il en soit, AEB estime que le contournement devrait rejoindre la RN 29 au plus vite(en tout cas pas au-delà du carrefour formé par la RN 29 et l’entrée du village de Sainte-Marie-Geest, à la hauteur du lieu-dit « Mont de Geest ».
    • Nous attirons l’attention du lecteur sur le fait que le bureau d’étude Transitec, chargé il y a un certain temps d’examiner plusieurs tracés, déconseillait de prévoir une nouvelle route vers Hélécine, dont il s’avère maintenant qu’elle était liée au projet de ZAE de Piétrain (cf. Le Soir du 23 novembre 2000). Cette évaluation rejoint les principes de gestion spatiale préconisés déjà dans l’étude d’AEB sur les ZAE[7] et nous semble donc justifier un contournement pas trop éloigné du site urbain de Jodoigne.
    • En ce qui concerne la fluidité du trafic sur la RN 240 Hannut – Jodoigne – Grez-Doiceau, AEB estime qu’il convient de prévoir un meilleur réglage des feux au carrefour RN 29 – RN 240 au centre de Jodoigne, et ce au profit de la RN 240. Etant donné que le contournement proposé par AEB drainerait la plus grande partie du trafic de passage sur la RN 29 et/ou le trafic destiné à la ZAE de « Jodoigne Nord-Est » (l’on pourrait même songer à un itinéraire obligatoire pour ce trafic lourd de passage), le trafic sur la RN 29 devrait diminuer au centre de Jodoigne. De plus, dans le cadre d’un plan communal de mobilité, l’on pourrait reculer – surtout sur la RN 240 – les places de parking à proximité du carrefour central, qui verrait ainsi sa fluidité augmentée. Cette solution pourrait rendre non-pertinente la nécessité de prolonger la couronne de contournement en direction de Grez-Doiceau.
    • De manière générale, les projets alternatifs de ZAE et de contournement proposés par AEB sont conçus dans le but de structurer le trafic. L’articulation de la ZAE alternative à une zone industrielle attenante elle-même au site urbain de Jodoigne, permettrait aux futurs travailleurs de la ZAE de rationaliser leurs déplacements, car tous les services urbains (écoles, magasins, banques, restaurants, gare de bus) se trouveraient à proximité.

[1] Directive 2014/52/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 modifiant la directive 2011/92/UE concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement. Article 1§5 «  une description des solutions de substitution raisonnables qui ont été examinées par le maître d’ouvrage, en fonction du projet et de ses caractéristiques spécifiques, et une indication des principales raisons du choix effectué, eu égard aux incidences du projet sur l’environnement; »

Carte n°1